Maman et maitresse d’un zèbre au CM1

Nos aventures se poursuivent à travers cet article.

Pour rappel, le groupe d’âge de Tristan est séparé depuis deux ans. En CE2, j’avais le petit groupe d’élèves dont certains sont à besoins particuliers. La demande des parents est forte pour que je les garde. Les partenaires de soin de Tristan ne voient pas d’objection à ce que je sois la maitresse de Tristan une année de plus, les progrès sont importants. Alors, je propose à mes collègues un petit challenge : réunir tout le groupe classe en CM1 en espérant que le projet Harry Potter aura l’effet escompté …

Le groupe

C’est un groupe qui bouge ! Beaucoup de garçons au tempérament fort. Au programme, bêtises, égo et compétition… Les filles sont presque des extra-terrestres au milieu de cette joyeuse guerre des boutons. La maitresse doit avoir de l’énergie à revendre. Les petits conflits prennent beaucoup de place dans la vie de classe. L’EMC est importante tout au long de l’année. Le projet Harry Potter est génial pour ce groupe.

Il y a aussi beaucoup de besoins : Je retrouve mes petits élèves à besoins particuliers et des nouveaux ! Je crois qu’on cumule presque tous les troubles : TDAH, dyspraxie, dyslexie, dysorthographie, suspicion de dysclaculie… Alors les aménagements des uns profitent à l’ensemble de la classe. Certains aménagements deviennent collectifs.

Les ateliers et les supports pédagogiques

Cette année-là, nous travaillons beaucoup en ateliers. Je reprends les bases à l’aide du REG au CM. Il faut dire que toutes les notions grammaticales sont floues pour certains. La production écrite est également un challenge. Elle le sera encore plus pour les petits élèves à besoins. En maths, nous testons un MHM à ma manière. Le travail de groupes est souvent privilégié. Cette classe a besoin d’apprendre à travailler ensemble.

Les ateliers du matin sont au nombre de 4 : un atelier REG, un atelier lecture, un atelier dictée HDA et un atelier histoire (PC en rotation et fiche). Nous travaillons par projet ; cinéma, Harry Potter, exposés etc…

Le rôle de l’AVS et de la maitresse

Tristan a obtenu l’aide d’une AVS mutualisée qu’il partage avec un autre camarade de la classe (10 heures).

Je le dis ici, je suis contre le fait que les élèves qui ont une AVS fonctionnent en « assistance fusionnelle ». Dans une telle relation, l’élève reste collé à l’AVS qui réalise souvent bien plus de tâches que nécessaires. L’élève s’appuie trop sur l’adulte et finit par se désengager pendant qu’on s’active pour lui. Il devient alors complètement passif. Il ne faut pas oublier que l’élève se retrouve aussi seul sur un certain nombre d’heures (l’aide n’est pas sur l’ensemble du temps scolaire). Il faut donc le préparer à « rester » autonome.

Avec l’accord de mon AVS, nous nous organisons de trois manières différentes :

  1. la relation duelle avec l’élève. Celle-ci se fait sur des activités ciblées telles que la production écrite. L’AVS (ou l’enseignante) est amenée par exemple à pratiquer la dictée à l’adulte sur des exercices qui le nécessitent.
  2. la gestion d’un petit groupe (exemple la dictée négociée HDA) : détrompez-vous, l’AVS ne gère pas vraiment le groupe mais elle se place sur cette activité. Comme les élèves à besoin sont répartis dans les 4 maisons Harry Potter, de ce fait, il y a des besoins dans chaque groupe. L’AVS est donc présente sur cette activité et agit sur le groupe (en réalité sur l’élève à besoin mais cela ne se voit pas vraiment). L’élève en question reste en semi-autonomie et peut profiter de l’aide de ses pairs sous le regard de l’adulte qui intervient si c’est nécessaire. Il faut faire attention à ce que les autres élèves ne vampirisent pas l’AVS.
  3. L’intervention personnalisée dans le grand groupe. L’AVS reste en retrait et observe les élèves à besoins. Ainsi, ils travaillent soit en autonomie soit à l’aide du tutorat des pairs. Elle (ou la maitresse) agit selon les priorités et les besoins. Elle se déplace pendant les séances collectives de l’un à l’autre. Avec Tristan qui fait des crises, elle s’est souvent retrouvée dans le couloir à l’apaiser ou à le faire travailler en décaler, loin des regards de la classe qui le gênent. Par exemple, Tristan ne peut pas faire ses dictées en collectif. L’angoisse est telle que la crise arrive. L’activité est alors faite sur un autre temps et un autre lieu. On laisse Tristan en autonomie sur une autre activité (travail ou dessin) pendant la dictée collective.

Se connaitre soi-même

Chaque année, il y a des élèves à besoin dans les classes, peut-être même de plus en plus. Avec ce CM1, je crois que nous battons des records en terme de différenciation tellement l’éventail des troubles est large.

Avec le temps, je me suis rendue compte que nos élèves (pas seulement les élèves à besoins, je parle de tous les élèves) ne se connaissent pas. Ils ne savent pas comment ils apprennent. Dans ma classe, nous avons donc un petit cahier dans lequel nous expliquons ce qu’est l’apprentissage : méthodologie pour apprendre, comment mémoriser, comment fonctionne le cerveau, des méthodologies diverses comme celle pour tenir le cahier de texte, le catalogue des schémas en résolution. de problèmes. Nous avons ouvert le sujet et il ne demande qu’à s’étoffer. Vous pourrez lire l’article sur METHODOC.

La réflexion s’est également engagée sur les élèves à besoins : connaissent-ils bien leur trouble ?… Les élèves de la classe le connaissent-ils ? Quels sont leurs points forts et leurs points faibles ? Si ils ont un point faible, comment sont-ils outillés pour détourner leur difficulté ? Nous abordons ici un point sensible mais essentiel. il ne s’agit pas de stigmatiser l’élève bien au contraire. En parlant du trouble à l’aide de petite vidéo, de petites affiches ou de petites discussions, je cherche à :

  • aider l’élève à mieux se connaitre
  • aider l’élève à mieux s’accepter (ça prend du temps)
  • aider l’élève à utiliser les outils adaptés et qui sont à sa disposition (ça ne se fait pas du jour au lendemain. Certains élèves les oublient, d’autres veulent être « normaux » et ne vont donc pas les chercher.)
  • faire en sorte que l’élève soit mieux intégré dans la classe et compris par ses camarades. Pas de sujets tabous ! On renforce les séances en EMC sur des thèmes forts comme l’inclusion par exemple.
  • faire en sorte que l’élève soit « aidé » par ses camarades qui l’épaulent au quotidien. La classe coopérative est exceptionnelle pour cela.

Mieux se connaitre, c’est savoir où sont les difficultés pour mieux anticiper et mettre en place des stratégies de progrès dans des domaines bien ciblés, petit à petit. Je sais par exemple que le déni ne fait pas avancer. C’est valable pour l’élève mais aussi pour les parents qui accompagnent l’enfant. J’ai connu le déni en tant que parent. J’étais dans le flou et je tâtonnais.

Les prises en charge de Tristan

Les prises en charge se sont débloquées pour Tristan en CM1. En effet, il a commencé le bilan puis les séances d’orthophonie, et ce après un an d’attente (oui, les places sont chères). Tristan est-il dysorthographique ou a-t-il un autre trouble qui cause des dégâts dans le passage à l’écrit ? Telle est la question …

Nous avons fait encore de belles rencontres. C’est l »‘orthophoniste qui nous a orienté vers une psychologue spécialisée dans le développement psychoaffectif et cognitif de l’enfant. Celle-ci lui a fait passer un bilan (encore un !) de l’attention et des fonctions exécutives. Ce dernier a révélé un TDAH très envahissant associé à des fonctions exécutives difficiles à mobiliser. (mémoire de travail très impactée par exemple).

Cette psychologue nous a proposé de faire des séances de remédiation cognitive COGMED. Pourquoi pas… J’aimerai bien les faire mais c’est le coût de tous ces bilans et de toutes les séances qui nous freinent. Tristan sature aussi de voir autant de monde (psychomotricité, WISC, bilan attention, 2 psychologue de suivi, orthophonie).

Bonne nouvelle ! Notre dossier PEDIATED est retenu mais nous serons contactés d’ici un an. Le confinement ne va pas nous aider et va même rallonger le délai.

Avec ce diagnostique, je sais qu’il faut penser au médicament ! Mais là, je suis carrément hostile : je n’ai pas avancé sur ce point ! Je bloque.(je n’ai pas envie de « droguer » mon enfant ! Et pourtant, la sixième se profile et je sais qu’il est atypique. Nous sommes allés visiter un collège privé où il y a une sixième à 16 avec des élèves à besoins. Tristan ne veut pas en entendre parler.

Confinés

Nous terminerons l’année comme tout le monde : confinés. Ce moment à la maison est mitigé. Tristan souffre de ne pas voir ses camarades. Par contre, il est moins angoissé : et pour cause ! il n’est pas dans le lieu qui cristallise toutes ses difficultés, je parle de l’école !

Les séances en vision se déroulent bien mais j’exclue de plus en plus Tristan qui fait le show et perturbe mes séances. Il est tellement content de voir ses camarades qu’il me pollue ces temps à distance. Je vois un demi-groupe le matin puis le second en début d’après-midi. C’est déjà pas facile de faire une vision à 13 !! Je fais également des moments de remédiation à deux ou trois. Là, par contre, je fais venir Tristan car le petit groupe est plus animé. Ce « format » lui convient mieux.

Conclusion : L’année de CM1 a été dense, riche et perturbée par un confinement. La classe s’est révélée exceptionnelle malgré la difficulté à gérer des comportements de filous et des élèves très hétérogènes.

Pour Tristan, j’ai encore mieux compris son fonctionnement, mieux compris ses crises que j’ai mieux gérées. Je commence à les anticiper. Quand il sort de la classe, je lui parle du train. Je lui dis que nous sommes dans le train et que nous poursuivons notre voyage. Tant pis pour lui, s’il en sort.. Ces mots ne plaisent pas à Tristan qui s’aperçoit que je ne rentre pas dans son jeu et qu’il est perdant. Alors, il revient spontanément et ne s’exclue plus autant. Il revint dans le train tout seul… Quand Tristan sort de la classe, en colère, je rappelle souvent à mes élèves que je ne suis pas d’accord avec ce qu’il fait mais que je ne réglerai pas le problème maintenant parce qu’on fait des maths ou autre activité scolaire. Ils sont mignons mes élèves car ils me disent « on le sait maitresse que tu vas discuter dans la voiture avec lui ». Je les aime beaucoup beaucoup…

A bientôt pour la suite …

Si vous voulez lire ou relire nos aventures, voici les articles précédents :

4 commentaires à propos de “Maman et maitresse d’un zèbre au CM1”

  1. Enseignante dans 1 cm1 cm2 avec un élève qui a le même profil. La maman commence seulement (en CM2 !!!) à prendre en charge les difficultés de son enfant …. No COMENT
    EN attendnt ce gamin est en souffrance : TDAH / EIP / et hyperémotif … cela fait beaucoup trop à gérer..
    Nous finissons l’année avec ENFIN une gestion avec AESH (depuis 2 mois), une meilleure compréhension en ce qui me concerne de sa façon de fonctionner (remplaçante, sur la classe depuis mars dernier) et surtout les autres élèves arrivent à ne plus réagir (ils viennent juste m’avertir su je suis occupée avec un groupe au moment où il sort et que je ne le vois pas (car dans la salle contigüe à la mienne par exemple).
    Je laisse la porte de mon couloir ouverte et je dis bien fort qu’il reviendra quand il se sentira capable de se poser à nouveau en classe. J’ai de la chance (et lui aussi) le reste de la classe est dans l’indulgence et la compréhension…. il n’est pas rejeté.
    Merci pour cet article qui m’éclaire un peu plus sur les difficultés familiales que cela peut aussi engendrer

Répondre à Giboulée50 Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.