Maman et maitresse d’un zèbre : le CE1

Le CE1 est peut être l’année la plus éprouvante pour Tristan, pour nous ses parents et pour mon collègue qui s’est beaucoup documenté et a tenté plein de chose pour l’aider mais le mal-être était bien installé.

En classe, Tristan a de plus en plus de mal à supporter le groupe classe et les exigence de l’école. Tantôt, il fait son show, tantôt il s’exclut de la classe. Il répond très souvent au maître, Pourtant mon collègue le met en scène très souvent pour l’intégrer aux apprentissages. et fait preuve d’une extrême patience. Tristan est souvent debout avec lui lorsqu’il fait une séance : on dirait son mini-moi… Tristan aime être au centre de l’attention. D’ailleurs, il parle fort pour attirer les regards. Par contre, l’échec et la peur de ne pas y arriver font monter le stress. Quand la crise arrive, mon collègue tente de l’apaiser en lui massant la tête. Quand c’est trop fort, Tristan peut aller se détendre au fond. Il sort aussi de la classe. Il bouge beaucoup. Le tutorat avec l’aide du bon copain de Tristan marche parfois. Il alterne le travail et le dessin.

Tristan vient « déguisé » en costume cravate : est-ce un rôle (celui de président) ? est-ce une réponse au fait que maman a une classe Harry Potter à l’étage et les élèves portent la cravate le vendredi ? Est-ce le mini-moi de papa qui va travailler en costume ? On ne sait pas vraiment. Mais je me souviens de cette anecdote racontée par mon collègue : Tristan regardait son camarade en train d’écrire à sa place sur son cahier. Le maitre lui demande pourquoi il n’écrit pas.. Tristan lui répond alors que le président n’écrit pas ! L’écrit devient très vite problématique. Tristan est incapable de copier de courtes phrases. La dictée est un échec. Il ne tient pas le rythme de travaux demandés. L’année de CE1 est presque une année « blanche ».

Tristan fait des bêtises et parle mal aux adultes. il est souvent convoqué pour s’expliquer. Je ne saurai pas tout car mes collègues me préservent. Il mange toujours les colles, détruit le matériel, abîme ses vêtements sauf le costume.

A la maison, Tristan.est souvent déguisé. Lorsqu »il joue, il s’étale dans toute la maison. Il laisse souvent ses jouets un peu partout. Il faut sans cesse lui demander de ranger ses affaires. Le rangement de chambre est chaotique : les jouets sont mélangés et mis dans tous les recoins. Tristan ne sait pas ranger. On peut même trouver des vêtements dans les caisses de jouets. Tristan est un enfant désobéissant. il faut se fâcher, sans relâche !

Tristan grandit avec des frères ainés passionnés de Star Wars. Cette année-là, Tristan dessine des vaisseaux. Les dessins sont toujours « les mêmes » avec des batailles interminables : on peut voir les tirs et les flammes. Tout cela est mis en scène avec des bruitages. Tristan peut enchainer des quantités de dessins à la suite sans changer de thème. On dirait des tocs. Cela va durer toute l’année. Je peux vous dire que je suis une mère indigne car j’ai jeté beaucoup de ses dessins… Je ne les trouvais pas beaux, ils reflètaient une agressivité extrême. Ils me renvoyaient la détresse de mon enfant.

On s’enfonce ainsi dans l’année avec un Tristan de plus en plus mal qui parle de suicide.

En ce qui concerne la prie en charge, nous commençons des séances avec une psychologue.. Ces moments sont éprouvants pour moi car je vois mon enfant très très mal qui s’exprime en dessinant avec beaucoup de violence. On a l’impression d’être dans la phobie scolaire. De même, il entre dans une relation « vampirisante » avec l’adulte qui le suit (domination, opposition). Il faut le recadrer et canaliser son impulsivité pour pouvoir travailler. Tristan vient en costume à chaque séance. La psychologue demandera quelques mois plus tard à voir le vrai Tristan sans costume…

Il verra une autre psychologue du CMP de façon régulière.

En octobre, une équipe éducative est organisée. Elle permet de poser les premières interrogations sur la table et de prendre de nouvelles directions (un dossier est monté auprès de la MDPH). Pour les parents, c’est un moment douloureux mais nécessaire ! A cet instant, nous ne savons pas quelle aide sera apportée à Tristan par la suite. Nous sommes fragilisés par le fait que nous culpabilisons d’avoir un enfant si instable et « mal élévé ». Nous souffrons face à la détresse de notre enfant qui va si mal.

En novembre, Tristan suit un bilan en psychomotircité et commence les séances qui ont lieu soit à la maison, soit à l’école sur le temps scolaire..

Nous démarrons un dossier auprès de Garches. On mettra notre dossier en attente. Le médecin nous demandera de travailler d’abord l’anxiété, les angoisses puis de revenir vers eux ensuite. Je n’ai pas compris cette décision. Il faut savoir que nous reviendrons à la charge un an plus tard. Nous patienterons puis on nous laissera tomber, le médecin quittant le service. Que de temps perdu !

En période 5, Tristan est de plus en plus en dehors de sa classe. Mon collègue le laisse monter les marches et venir se calmer dans ma classe. Peu à peu, et comme cela semble marcher, il monte parfois avec son travail.

A bientôt pour le CE2

 

 

24 commentaires à propos de “Maman et maitresse d’un zèbre : le CE1”

  1. Je suis admirative de ton travail qui m’inspire beaucoup! Je suis d’autant plus admirative de ton partage de maman qui n’est pas simple! Voir que son enfant est mal et qu’on n’a pas les réponses bien qu’on soit professionnel dans le métier… est vraiment difficile! Bravo pour ton courage de nous partager ton histoire!

  2. Bonjour, votre expérience ressemble singulièrement à la nôtre hormis que je n’étais pas enseignante à l’époque donc pas de regard compatissant, pas de traitement spécial. J’ai fini par le retirer de l’école. On en a cherché une autre, pour donner le même résultat. Je me souviens du sentiment d’impuissance, d’injustice, les paroles blessantes, les jugements de valeur.
    Et un jour, à 17 ans, alors qu’on était chez le psy pour une énième tentative, l’évidence nous est apparue : il avait tous les symptômes de l’autisme asbergher. 17 ans à se dire qu’on était de mauvais parents, que notre enfant était mal élevé, capricieux…
    Il a 32 ans maintenant, la vie n’est pas toujours facile, surtout en cette période très anxiogène. Mais il peut se prendre en charge, a une copine…
    Je suis enseignante maintenant et c’est vrai que ça m’a donné beaucoup d’humilité cette expérience !
    Bon courage à vous ! J’ai hâte de lire la suite de votre expérience.

  3. Bonjour Murielle,

    Comme c’est dur de lire tout ça… Je vous trouve tellement courageuse, ainsi que votre mari et bien sûr Tristan.

    Malgré tout, je suis sûre que vous avez fait tout ce qui était faisable au fil du temps, et j’espère de tout cœur que la culpabilité qu’on sent au travers de vos écrits s’estompera, le temps aidant…

    Et bravo d’être la si chouette maîtresse que vous êtes, merci de tous vos partages, merci de votre super bouquin. Merci d’être si bienveillante, vous êtes souvent la petite lumière quand j’ai l’impression que tout va de traviole. Pensées émues à ma pemf qui il y a quelques années, lorsque j’étais PES, m’a mise au fond du seau totalement gratuitement, si seulement ils et elles étaient tous et toutes comme vous!

  4. Ma Lala… ton Tristan et toi… quel parcours…
    Mon expérience n est qu en tant qu enseignante mais ils font écho pour les 2 zebrettes que j ai eu… celle de l an dernier m a épuisée mais nous avons avancé école et parents ensemble. Sa souffrance sous sa violence ne pouvait pas être feinte… j ai etabli ce contact qui lui a permis d avancer, de trouver une placd en classe…. mais le chrmin est tellement long qd tous les acteurs meme medicaux trainent des pieds….de mon côté ce n était qu une année avec elle … et savoir qu après il faudrait tout recommencer….avec un autre enseignant ce n est pas facile…. J ai passé le flambeau, donner tout ce que j ai pu donner comme billes et je me suis effacee pour permettre a ma collègue d entrer en contact… les 1ers mois ont été très durs…. surtout après un confinement… maintenant ça va mieux et la zebrette progresse…. et l an prochain? Et le collège?? Comment fera t elle?

  5. Merci pour ce témoignage très touchant, et utile aussi, du fait de votre double regard d’enseignante et de maman. (je suis maitresse E en RASED)
    Merci encore et bon courage, continuez à témoigner, je suis sûre que ça peut faire évoluer le regard , préalable à une évolution des pratiques.

  6. Merci pour ton témoignage. On se sent souvent si seule, c’est bon de savoir qu’il y a une communauté enseignante comprehensive. Je suis actuellement en formation sur la problématique du bien être à l’école… Je me penche sur les Pédagogies actives notamment celle du p. FAURE. Pédagogie qui permet à l’enfant d’être au centre de ses apprentissages et dans son rythme propre. Mon fils aîné est aussi passé par une phase comme Tristan. Je n’avais pas essayé cette option. Peut être conviendra t’ elle a Tristan ? Courage. Bm

  7. Bonsoir.
    Merci pour ton témoignage Lala.Il me touche beaucoup !!
    Je t’envoie pleins d’ondes positives et te souhaite Bon COURAGE !!!!
    Ma fille a un 22q11 associé à une dyscalculie, une dysgraphie et une forte dyspraxie viseo spatiale. L’école c’est vraiment dur pour elle.Mais elle se bat et elle progresse. Je suis moi-même enseignante et mon bilan en cette dernière année d’élémentaire ( Tessa est au CM2) c’est que pour exercer ce métier il faut de l’humilité…quand on a un enfant différent notre souffrance est grande mais elle nous rend meilleurs et plus à l’écoute des enfants en difficulté, elle nous apprend l »empathie envers les enfants et les parents…parce que ce qui ne te tue pas te rend plus fort….Je ne sais pas ce que nous réserve l’avenir…mais il continuera d’être fait d’amour et d’aide pour notre Tessa…et de bienveillance encore plus soutenue pour les enfants qui passeront par ma classe.
    Dans ton témoignage tu as parlé des équipes éducatives…pour moi dans le parcours de Tessa se sont les équipes éducatives qui sont le plus dures….à chaque fois ce qui est dit sur mon enfant ( la partie scolarité) je me le prends violemment en pleine face…je pleure mais vraiment tous les soirs dans un coin pendant au moins 2 semaines après l’ESS…merci de nous donner l’occasion d’en parler ici…
    Bon COURAGE à tous les parents qui ont ce cheminement si difficile et encore plus Bon COURAGE AUX PARENTS QUI SONT AUSSI ENSEIGNANTS CAR PARFOIS LE REGARD DES COLLÈGUES QUI NE SONT PAS TOUS BIENVEILLANTS PÈSE DUREMENT SUR NOS ÉPAULES DÉJÀ BIEN CHARGÉES !!!

  8. Merci pour ce témoignage.
    La scolarité de mes trois enfants se déroulent sans anomalie. Je ne saurais dire pourquoi. Je n’ai rien fait d’exceptionnel. Je suis loin d’être un enseignant dont on se souviendra avec nostalgie. La prise en compte de la singularité de chaque élève est un exercice quotidien d’équilibriste.
    Je mesure à la lecture de tes articles la difficulté d’être parent. Et en même temps enseignant.
    J’attends la suite de ton témoignage avec impatience. Cela me fait fait poser un regard critique sur mes pratiques de classe (critique, pas inquisiteur).

  9. Bonjour,
    Je suis moi même aussi enseignante et maman de 2 petits garçons. L’un deux, en petite section, me questionne déjà beaucoup. Il est très souvent en opposition avec sa maîtresse, n’accepte de faire le travail que sil lui plaît, sait presque lire mais sait à peine tenir un stylo… Il a déjà été privé de récré, privé de doudou à la sieste car ingérable autrement. Beaucoup de soiffrance en tant que maman… et énormément d’apprentissage en tant qu’enseignante. Mon fils a révolutionné en 2 ans la façon denseigner et mon regard sur les enfants en difficulté.
    Merci pour le partage même si ton témoignage vient conforter les inquiétudes que j’ai pour la suite de sa scolarité.

    • Bonjour, Cela m’attriste.. Comment peut-on priver un enfant de son doudou ! C’est pas comme cela qu’il va s’apaiser…. Je suis de tout coeur avec vous. A très bientôt pour échanger 😉

  10. J’ai lu avec attention votre article qui fait tellement référence à ce que je vis ! Maman d’un zèbre en CE1 et enseignante… Nous avons eu de la chance que notre enfant ait eu une prise en charge rapide au CMP qui lui convient mais il fait régulièrement des crises à l’école « pour qu’on le remarque ». Le chemin est long, périlleux et fatigant. J’écris chacun de ses progrès et lorsque la période est difficile, je les relis, je me rends alors compte qu’on avance ! Bon courage !

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