L’évaluation en question

L'évaluation en question...

On parle beaucoup d’évaluation ces temps-ci…. Mercredi, j’assistais à la conférence de Madame Castineaud dont la problématique était la suivante :  » Comment faire de l’évaluation une aide à l’apprentissage ? »

La question est vaste et nous questionne tous. Je vais tenter non pas d’y répondre (je n’ai pas la prétention d’avoir des réponses, je tâtonne beaucoup), mais d’y réfléchir avec vous, tout en mettant quelques pratiques en lumière…

3 temps d’évaluation :

Il existe trois temps d’évaluation :

* l’évaluation diagnostique : Avant toute unité d’apprentissage, elle oriente l’action.

* l’évaluation formative : Pendant une unité d’apprentissage, elle régule les apprentissages.

* l’évaluation sommative : En fin d’unité d’apprentissage, elle vérifie, certifie les acquis.

Que pensent les élèves ?

Pour les élèves, l’évaluation est trop souvent « dans les mains » du maître. Elle n’est pas une lumière sur les progrès et leurs difficultés.

Les critères d’évaluation sont très souvent incompris. Madame Castineaud nous cite l’exemple des collégiens qui vont privilégier la longueur du texte en production écrite au détriment de « la qualité » de l’écrit (une non prise en compte de certaines compétences qui n’ont peut-être pas été explicitées avant).

Les élèves peuvent confondre le travail évalué avec un exercice d’entraînement. Ils ne distinguent pas le coeur des compétences évaluées (parler à voix haute, produire un écrit). Ils ne voient pas que certaines compétences sont liées (interdisciplinarité) : par exemple, conjuguer un verbe et le transférer dans une production écrite.

Les résultats PISA montrent que les inégalités sociales sont renforcées en fin de collège. De plus, nos petits français sont stressés et se démobilisent trop vite. Ils sont d’ailleurs les champions de la non-réponse. De même, pour eux, une question donne une réponse et une seule.

La bienveillance

La bienveillance doit être au coeur du sujet. Je ne dis pas que les enseignants ne sont pas bienveillants, bien au contraire. Mais c’est vrai que l’école française ne sait pas encourager ses élèves. La « notation » casse précocement les élèves qui ont le plus besoin d’être valorisés. J’entends par notation les notes, les ronds colorés, ou même les smileys (en maternelle) qui peuvent entraîner le décrochage de certains élèves. Toute la question est de savoir comment faire pour que l’évaluation devienne « un moteur », une aide à l’apprentissage et non un frein.

Pour cela, le dialogue avec la classe est primordiale : l’évaluation doit être une aide aux apprentissages.

La place de l’erreur 

À l’école, les erreurs ont longtemps été des fautes. Elles n’étaient pas considérées comme des occasions d’apprendre, mais comme les bases de l’évaluation. « Voilà cinq siècles que l’erreur est considérée comme inévitable dans l’acte d’apprendre… Or dans le cadre scolaire, université comprise, l’erreur devient au mieux pour l’enseignant une perle pour en rire et pour l’élève/l’étudiant une faute souvent mal vécue et radicalement sanctionnée ».

Le travail sur l’erreur doit être l’essentiel de notre pédagogie. Il est d’abord d’autoriser l’élève à se tromper, de ne pas dramatiser excessivement la faute, de poser clairement le principe que la classe est un lieu ouvert aux tâtonnements de la pensée. En tant qu’enseignante, il n’est pas rare que je mette en lumière mes propres erreurs.

Je cite Daniel Calin qui dit « qu’un bon pédagogue est alors celui qui, à travers son accompagnement, comprend avant l’élève, parfois juste avant lui, pourquoi il s’est trompé et qui l’amène alors à entrevoir, guidé par lui mais par lui-même cependant, les raisons de ses déraisons. »

Un travail d’équipe

Les évaluations sont trop souvent cloisonnées dans chaque classe. Même si les livrets sont élaborés en concertation sur l’ensemble du cycle, les évaluations devraient être également partagées, décryptées dans l’ensemble des classe. Car chaque année, les élèves doivent s’adapter à une ou plusieurs façon(s) d’évaluer.

Le facteur temps

Dans mon école comme beaucoup ailleurs, il y a trois livrets d’évaluation : L’un en novembre/décembre, le second en mars/avril et le dernier en juin. Je me demande souvent comment je peux m’adapter aux élèves les plus lents, ceux dont les déclics apparaissent un peu plus tard, ceux qui progressent toujours en décalage avec le reste de la classe.

La rôle de l’enseignant

Malgré une part de subjectivité (niveau atteint, choix de la notation), l’enseignant doit toujours avoir le souci lorsqu’il évalue un élève d’adapter l’évaluation aux progrès de ce dernier. Est-ce une évaluation qui va l’aider ?

celle-ci est adaptable en terme  :

– de temps,

– de support différencié (écriture spécifique pour dysléxique, ordinateur)

-du choix des consignes,

– du choix des compétences évaluées…

Un exemple autour de l’évaluation formative

L’évaluation formative a un rôle essentiel. Prenons un exemple en rédaction : Il s’agit d’accompagner l’élève qui doit produire un texte à partir d’une première écriture en utilisant des outils et les conseils du professeur.

Les compétences ciblées sont les suivantes :

– écrire un texte qui correspond à la consigne

– écrire un texte qui « se tient », qui est cohérent et suffisamment riche (longueur)

– écrire un texte dans une langue correcte (paragraphe, temps, orthographe, se relire).

Au troisième jet, c’est l’élève qui s’évalue. Celui-ci évolue, prend en compte les conseils donnés individuellement. Le maître l’évalue tout au long du projet en mettant au point avec lui un travail différencié (les compétences seront également différenciées).

Le journal des apprentissages

C’est un journal dans lequel les élèves vont dater, dialoguer, conscientiser les progrès ou conseils dits par le maître, ou qu’ils se disent à eux-mêmes. Le dialogue avec le maître est un excellent exercice de métacognition dans lequel l’élève se motive.

L'évaluation en question...

 

Sortie de cette conférence, je me demande toujours comment trouver le temps de m’adapter à chacun de mes élèves en terme de facteur « temps », en terme de compétences (le livret qu’il faut dédoubler de nouvelles compétences pour ceux qui n’y arrivent pas), en terme d’outils, en terme de bienveillance : un smiley, c’est rigolo mais lorsqu’il est rouge et mécontent, cela reste un « regard négatif » sur le travail de l’élève. Mettre vu au lieu du ab est vite hiérarchisé par les élèves….

Au vu de tous ces points, je vous propose des pistes pour encore réfléchir …

– les tampons

Les tampons ont beaucoup de succès mais je n’ai pas encore les automatismes pour les utiliser souvent. J’ai toujours les notations très bien, bien, assez bien qui me permettent d’aller plus vite dans les corrections.

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– le livret

Dans les livrets, nous utilisons les sigles A (acquis), ECA (en cours d’acquisition), NA (non acquis).  Je n’utilise pas le livret numérique. Je médite encore pour trouver un codage qui soit simplifié, identique. Les évaluations papiers comportent toujours les compétences (ce sont celles du livret). Les élèves savent donc ce sur quoi ils sont évalués, les parents également. Y a t-il trop d’évaluations sommatives ? peut-être bien !

– les cahiers de réussite

J’ai un faible pour ce support. Cette année, je l’expérimente en mathématiques. J’adore entendre mes élèves dire qu’ils ont progressé lorsqu’ils colorient les ronds de couleur, lorsqu’ils passent d’un rond rouge à un orange ou d’un orange à un vert. (vert=réussite, orange= à renforcer, rouge=difficulté). L’idéal serait que ce support devienne le livret d’évaluation. On voudrait que l’élève conscientise ses progrès, ses difficultés, quel meilleur moyen que de faire remplir le livret par l’élève lui-même ? Mais c’est un exercice chronophage !

L'évaluation en question...         L'évaluation en question...

 – les ceintures de conjugaison chez Mélimélune, de tables de multiplication chez Charivari

J’aime ce type d’évaluation car c’est l’élève qui est l’acteur principale du dispositif. Il commence par s’entraîner sur des exercices auto-correctifs. Quand il se sent prêt, il passe l’évaluation. Il sait tout de suite s’il a réussi la ceinture concernée (chaque temps conjugué est doté d’une couleur de ceinture). Il sait où est sa difficulté. Il peut repasser la ceinture aussi souvent qu’il le souhaite après avoir retravaillé la compétence. (il y a plusieurs tests pour une même ceinture). Les élèves sont très très investis dans cette évaluation.

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– Le pourcentage de réussite

En dictée, les élèves ont un pourcentage de réussite comptabilisé en fonction du nombre de fautes et du nombre de mots de la dictée. Cette notation est intéressante mais elle n’empêche pas les élèves de se mettre un énorme pression. En revanche, il les motive à progresser (notamment à l’aide du graphique des pourcentages des dictées).

– L’évaluation sommative en atelier

Je pratique plusieurs ateliers en classe pendant lesquels je reçois les élèves individuellement. C’est le cas en lecture, en production écrite. Ce n’est pas parfait et surtout la rotation sur l’effectif total est longue. Mais j’aime assez le fait de donner ces fameux conseils individuellement et de pouvoir différencier.  On peut travailler l’estime de soi. Je pratique également l’atelier en mathématiques. Les élèves travaillent sur les cartes autocorrectives AUTOMATHS.  Je n’ai pas encore trouvé comment les associer à un système « métacognitif » de régulation des apprentissages.

* * * * *

Et vous, quelles sont vos pistes ? comment faites-vous ?

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2 commentaires à propos de “L’évaluation en question”

  1. Transfert des commentaires de l’ancien blog :
    1/ Delphe Dimanche 8 Février à 19:44
    Quel vaste programme que l’évaluation ! C’est passionnant !! 🙂
    Pour l’organisation des évaluations, j’ai opté pour « edumoov ».
    Travailler avec un logiciel me permet de ne pas avoir à « fixer » à l’avance mes critères d’évals.
    En début d’année, j’avais mis : acquis/non acquis, et parfois, en cours d’acquisition… Puis, je me suis dit que pour des critères d’évaluation, ce n’était pas juste. Je m’explique… Tout s’est éclairé pour moi, le jour où j’ai compris que j’évaluais pour aider mes élèves à progresser et je validais en fin de palier… j’ai donc enlevé acquis/non acquis pour réussi/non réussi. Certaines validations (normalement, on parle de 3 évaluations réussies pour permettre de valider) peuvent être notifiées en cours de palier 2…

    J’utilise aussi un carnet de réussite qui plaît énormément aux enfants. En revanche, je distribue les étiquettes de réussite, ce n’est pas fait à l’avance… Mais bon… je tâtonne !
    Bref, c’est ultra compliqué à mettre en place !!!

    2/ dahchan Lundi 9 Février à 03:29
    Tout à fait d’accord avec toi sur la place de l’erreur à l’école. C’est pour ça, que j’aime bien travailler en PMEV, où l’élève apprend qu’il a le droit de se tromper et qu’il peut recommencer, après avoir tatonné, écouté, interrogé ses camarades, le maître. Quel plaisir de les voir repartir avec un grand sourire, parce qu’enfin ils sont passé d’un rond rouge à un rond bleu.

    3/ Eowin Lundi 9 Février à 10:00
    Article très intéressant. Je le mets dans mes favoris. Et je vais méditer un peu plus cette question.

    En ce qui me concerne, j’aime bien les graphiques qui sont parlant pour les élèves mais cela ne marche qu’avec ce qui est facilement quantifiable et pour des exercices récurrents : calcul mental, multiplications, dictée…

    4/ ion11 Lundi 9 Février à 10:14
    Merci pour cet article très riche et pour ces propositions intéressantes. J’en ai mis certaines en place dans ma classe mais je suis encore très peu au clair sur cette notion d’évaluation.

    5/ fabi30 Lundi 9 Février à 18:01
    Même dans la dernière ligne droite de ma carrière, je m’interroge encore sur l’évaluation (qui s’est appelée selon l’époque, composition, interrogation, bilan, contrôle …), sur ses bienfaits et ses pièges.

    Je réfléchis à ce que je vais mettre en place l’an prochain et j’apprécie de puiser chez les collègues blogueurs matière à réflexion (donc, merci Lala).

    Je pense que je vais donner en début de période la liste des compétences qui seront travaillées en maths et français en détails et plus globalement dans les autres domaines. Ainsi, les élèves sauront parfaitement ce qui sera traité pendant la période donnée. Je le fais déjà oralement mais je vais le formaliser à l’écrit.

    En fait l’évaluation n’est pas le problème, ce qui est plus difficile à gérer ce sont les différences de rythme d’apprentissage de nos élèves. Comment gérer au mieux ces écarts dans des classes de 28 ou 30 élèves ? Comment donner le temps nécessaire à chacun sans pénaliser ceux qui avancent vite, tout en maintenant un climat de classe harmonieux ? Ah la la …
    Bonnes vacances d’hiver (pour moi, elles commencent)

    6/ MariNantes Mardi 10 Février à 13:23
    Merci pour ces réflexions !
    Est-ce que le journal des apprentissages est propre à chaque élève ou concerne l’ensemble de la classe ? Est-il à mettre en lien avec le cahier des réussites ?
    Avec l’évaluation va la correction, je trouve ça très long à mettre en place, que ce soit moi qui corrige tout, les élèves qui corrigent par binôme ou une correction collective. Pour le moment je me dis que je dois repasser systématiquement derrière eux car ils laissent des erreurs… et c’est difficile là aussi de gérer les niveaux de chacun entre ceux pour qui tout est quasiment faux et pour qui la correction ne prend pas le temps de s’attarder sur leurs difficultés et ceux qui ont tout juste du premier coup et donc s’ennuient…

    7/ tataN Mercredi 11 Février à 22:31
    Coucou
    Je me pose aussi la question de l’évaluation dans le temps: qd on fait une leçon, les élèves écoutent, apprennent leur leçon, font l’évaluation ….. mais 3 mois après, 6 mois après, si je refait l’évaluation : qu’est-ce qu’il va rester? n’est-ce pas réellement ce qui reste dans la mémoire à long terme que je dois considérer comme acquis? est-ce encore un autre type d’évaluation??

    8/ Delphe Jeudi 12 Février à 12:03
    Justement c’est la différence que je fais entre évaluation et validation. On dit qu’il faut 3 évaluations reussies pour pouvoir dire si cest acquis ou non… Valider ou non.

    9/ tataN Jeudi 12 Février à 13:44
    Ce qui veut dire, multiplier le nombre d’évaluations !! C’est un véritable casse-tête arf

    10/ Delphe Jeudi 12 Février à 15:54
    Pas multiplier…. Faire différemment.

    11/ tataN Jeudi 12 Février à 16:21
    Tu parles de méthode spiralaire par exemple ou d’autre chose?? car je suis preneuse des conseils aussi ^^

    12/beameline Samedi 14 Février à 11:36
    très intéressant comme toujours ces réflexions
    chez moi livret de ceintures pour les cp/ce1 que les élèves remplissent au fur et à mesure (enfin les ce1 surtout)
    les élèves aiment et se sentent bien dans ce système, ils ont la possibilité de noter leur progrès
    moins conquise pour les cp, j’opterai pour un cahier de réussite comme celui des grandes sections l’année prochaine (je retravaillerai celui de rigolett). ils pourront mieux visualiser leurs progrès et gèreront eux même leur livret comme le font cette année les GS (trop d’écrit dans le livret des ceintures pour des petits cp, surtout au 1er trimestre)
    j’aime beaucoup ton cahier de progrès en maths
    bonnes vacances lala !! bizzz

    13/ Lala78 Dimanche 15 Février à 22:38
    Merci pour vos témoignages, on n’a pas fini de se questionner !

    • Bonjour à tous.
      Cela fait des années que je me questionne sur le côté négatif des éval sur le bien être de mes élèves et leur parent. Mais l’institution nous l’impose et la société aussi. A partir des cahiers de réussite sur le net et les lois de réflexion, je suis partie sur un cahier des progrès car je me questionne aussi sur le mot réussite qui est mal vécu par les élèves qui manquent de confiance en eux. Par contre, il est difficile de convaincre mes collègues qui ne jurent que par le principe des évaluations. Je suis ravie de lire cet article aujourd’hui et de voir que je ne suis pas » la seule irréductible gauloise »
      Affaire à suivre

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